L’Espagne a affrété un premier avion pour expulser une trentaine de migrants originaires du Sénégal, entrés de manière irrégulière dans le pays. Madrid espère que d’autres charters de ce type décolleront à destination de Dakar dans les prochaines semaines. Depuis plusieurs mois, l’archipel des Canaries est confronté à une forte hausse des arrivées, dont une majorité de Sénégalais.
Une trentaine de Sénégalais, entrés de manière irrégulière en Espagne, ont été renvoyés dans leur pays le 24 octobre dernier, révèle le quotidien espagnol El Pais, qui cite des sources judiciaires et policières. L’avion affrété pour l’occasion a quitté Barcelone, fait une escale à Ténérife, une île des Canaries, pour ensuite atterrir à Dakar.
Ce vol charter constitue la première expulsion d’un groupe de migrants de l’Espagne vers le Sénégal, précise le média. Jusque-là, les exilés étaient renvoyés au compte-goutte, de manière individuelle sur des vols commerciaux.
Coopération renforcée avec le Sénégal
Depuis des mois, les autorités espagnoles tentent de mettre en place des expulsions groupées, mais le gouvernement sénégalais s’est toujours montré réticent à une telle mesure. L’Espagne espère faire décoller d’autres charters de ce type dans les prochaines semaines.
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Ces rapatriements sont rendus possible par un accord signé entre Madrid et Dakar, qui autorise le retour au Sénégal de tous les migrants arrivés illégalement sur le territoire espagnol qui ne se trouvent pas dans une situation particulièrement vulnérable – enfants, personnes âgées, malades – ou dont la situation ne justifie pas l’asile.
Ce sujet était, une nouvelle fois, au menu des discussions de la rencontre entre les ministres de l’Intérieur espagnol et sénégalais à Dakar, lundi 30 octobre. Cette visite était l’occasion pour Madrid de réaffirmer sa volonté de lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière depuis les côtes sénégalaises.
Le gouvernement espagnol multiplie les annonces en ce sens ces dernières semaines. Le 16 octobre, il a annoncé l’envoi d’un avion, pour une durée d’un mois et demi, qui coopérera « avec les autorités du Sénégal et de Mauritanie » pour stopper les départs de migrants.
Il s’ajoutera au déploiement au Sénégal d’une soixantaine de militaires, de cinq bateaux et d’un hélicoptère. Cette coopération entre les deux pays a permis d’empêcher « le départ de plus de 7 000 personnes du Sénégal vers les îles Canaries » depuis janvier, a précisé le ministère espagnol de l’Intérieur sur son compte X (ex-Twitter) le 30 octobre.
Plus de 30 000 arrivées aux Canaries
Les Canaries, situées au large du Maroc, sont confrontées à une hausse spectaculaire des arrivées cette année. Depuis janvier, plus de 30 000 exilés ont débarqué dans l’archipel, contre environ 15 000 pour l’ensemble de l’année 2022 sur tout le territoire espagnol, selon les chiffres de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Rien que pour le mois d’octobre, ce sont 13 000 débarquements qui ont été recensés dans ces îles.
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Les arrivées de 2023 sont sur le point de dépasser celles enregistrées en 2006, lors de la crise migratoire sans précédent aux Canaries – appelée « crise des cayucos », du nom des pirogues utilisées par les exilés pour traverser l’Atlantique – où plus de 31 000 migrants avaient atteint le territoire.
Les records observés cette année coïncident avec une hausse des départs depuis les rives sénégalaises, distantes d’environ 1 500 km. D’après des sources policières d’El Pais, près de 60% des arrivées aux Canaries en 2023 concernaient des Sénégalais.
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Ces derniers fuient la crise économique, qui s’est encore aggravée avec la pandémie de Covid-19. La raréfaction des ressources halieutiques est un autre facteur permettant d’expliquer cet exode : les familles, dont beaucoup vivent de la pêche, ne parviennent plus à subvenir à leurs besoins.
Un rapport, publié la semaine dernière par la Fondation pour la justice environnementale, assurait que près de deux-tiers des pêcheurs sénégalais gagne moins qu’il y a cinq ans. En cause, « les pratiques de pêche destructrices de l’environnement et non durables » des chalutiers de fonds, contrôlés en grande partie par l’Union européenne et la Chine.