Un corridor humanitaire a été acté entre Rome et Tripoli pour assurer l’évacuation de 1 500 personnes de la Libye vers l’Italie. Les transferts, qui s’étaleront sur trois ans, visent en priorité les femmes, enfants et personnes vulnérables.
Mille cinq cents migrants demandeurs d’une protection internationale vont pouvoir être évacués de Libye vers l’Italie. Un protocole d’accord entre Rome et Tripoli actant ces évacuations a été signé le 20 décembre, annonce le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Les transferts s’étaleront sur trois ans.
L’ouverture de ce corridor humanitaire engage la coopération des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères des deux pays, du HCR, mais aussi des organisations civiles comme l’ONG Arci, et religieuses comme la Communauté de Sant’Egidio et la Fédération des Églises évangéliques.
Priorité aux enfants, femmes, personnes malades ou victimes de violences
Les transferts s’adressent aux personnes contraintes de fuir « en raison de la guerre et de la violence et qui se trouvent temporairement en Libye », décrit le HCR dans son communiqué du 20 décembre. Quels profils seront prioritaires ? En premier lieu, « des enfants, des femmes victimes de trafic, des personnes qui ont survécu à la violence et à la torture et des personnes dans des conditions de santé graves », qui seront identifiées par les différents acteurs engagés dans le protocole.
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Une fois en Italie, sur les 1 500 personnes évacuées, 600 seront intégrées au système italien d’accueil et d’intégration (SAI), financées par le ministère de l’Intérieur, détaille l’agence onusienne.
La majorité, soit 900 personnes, sera quant à elle prise en charge par des associations « selon le modèle du corridor humanitaire et réparties sur tout le territoire national » souligne le communiqué. Des quotas ont déjà été déterminés par le protocole : la communauté de Sant’Egidio accueillera 400 exilés, l’Arci 300 et la Fédération des Églises évangéliques, 200.
Près de 1 400 évacués depuis 2017 : des voies de sortie encore « lentes et restrictives »
Le dernier protocole de ce type avait été signé en 2021. Il faisait lui-même suite à un précédent accord, acté en 2017. En six ans, le HCR comptabilise ainsi près de 1 400 réfugiés et demandeurs d’asile évacués ou réinstallés de Libye vers l’Italie, « grâce à des mécanismes d’évacuation ou via des couloirs humanitaires ».
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D’autres corridors humanitaires ont été mis en place par l’Italie, au-delà de la Libye. Ainsi, selon la Communauté de Sant’Egidio, plus de 5 000 demandeurs d’asile de Libye, du Liban et du Pakistan sont arrivés en Italie depuis le lancement de ces couloirs en 2016.
Un mécanisme encore largement insuffisant, selon Médecins sans frontières. Dans un rapport publié en juin 2022, intitulé « Out of Libya« , l’ONG soulignait que « les rares voies de sortie légale vers des pays sûrs mises en place par le HCR et l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) sont très lentes et restrictives. (…) L’accès à ce service est quasiment inexistant en dehors de Tripoli et dans les centres de détention et le nombre de places dans les pays de destination est très limité ».
En outre, les autorités libyennes imposent aussi des restrictions. Elles « ne nous autorisent pas à inclure dans nos programmes plus que les neuf nationalités qu’ils considèrent comme ‘vulnérables' », déplorait MSF. Ainsi, seuls les ressortissants palestiniens, yéménites, syriens, somaliens, érythréens ou soudanais ont une chance d’embarquer un jour dans les avions humanitaires ou de réinstallation », dénonçait par exemple à l’été 2022 Djamal Zamoum, alors chef de mission adjoint du HCR en Libye, auprès d’InfoMigrants.
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Néanmoins, l’agence des Nations unies « procède, à titre exceptionnel, à l’enregistrement d’un nombre très limité de réfugiés d’autres nationalités lorsqu’il s’avère que ceux-ci sont extrêmement vulnérables et exposés à des risques de violations accrus », nuançait Caroline Gluck, porte-parole du HCR en Libye.
« Un signe important de solidarité »
Pour autant, les évacuations restent « une mesure salvatrice et un signe important de solidarité et d’humanité (…) Nous devons continuer à travailler ensemble pour élargir les voies sûres, y compris la réinstallation, permettant aux réfugiés de reconstruire leur vie dans la sécurité et la dignité », soutient Chiara Cardoletti, représentante du HCR pour l’Italie, à propos du nouvel accord signé le 20 décembre.
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Le HCR estime qu’en cette fin d’année 2023, « plus de 2,4 millions de réfugiés » dans le monde seraient prioritaires pour une réinstallation. Soit une « augmentation de 36% par rapport aux exigences de 2022 », note l’agence.
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