Les récents propos de Dr Fodé Oussou Fofana, Vice-Président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), à propos de la nouvelle politique du parti face aux critiques internes, soulèvent des questions importantes sur la cohérence de la gestion interne et la notion de justice au sein de ce parti. Lors de la récente Assemblée Générale , Dr Fodé OussouFofana a déclaré que l’UFDG n’exclurait plus les militants qui critiquent la direction ou qui remettent en cause le leadership de Monsieur Cellou Dalein Diallo. Cette position marque un tournant pour un parti qui, dans un passé récent, a justement exclu des membres pour des critiques similaires.
Une indulgence tardive et sélective
Il est frappant de constater que ceux qui avaient osé, dans le passé, remettre en question la gestion du parti et appeler à plus de démocratie interne ont été sévèrement exclus. Ces militants , dont Monsieur Ousmane Gaoual Diallo , avaient demandé ce que tout parti politique démocratique devrait encourager : une gouvernance plus transparente, une remise en cause du leadership quand cela s’avère nécessaire, et une ouverture à des courants d’idées différents. Pourtant, plutôt que d’accueillir ces voix critiques comme une opportunité de renouveau, l’UFDG a choisi de les écarter, de les marginaliser, les poussant parfois vers d’autres mouvements politiques.
Dr Fodé Oussou Fofana a affirmé que l’exclusion n’est plus une option, même pour les critiques les plus virulentes. Mais cette soudaine indulgence laisse un goût amer. Si ceux qui critiquent aujourd’hui la direction du parti sont protégés de l’exclusion, qu’en est-il des militants qui, pour des raisons identiques, ont été jetés à la porte ? Pourtant, il avait été dit qu’ils avaient dépassé les limites fixées par les textes. Celles-là ont -elles été repoussées ? Si oui , à quelle occasion ?
Ces derniers sont-ils censés accepter sans broncher que la politique ait changé au détriment de leur engagement passé ? Cette indulgence tardive apparaît comme une injustice flagrante envers ceux qui ont payé le prix de leur engagement pour une démocratie interne.
Des décisions antérieures motivées par d’autres considérations
Si l’on examine de plus près la question, il est difficile de ne pas se demander si les exclusions passées n’ont pas été motivées par des considérations plus politiques voire personnelles que démocratiques. Le revirement amène à interroger la pratique dans la démocratie dans ce parti. Il semble que, à l’époque, la direction du parti ait vu ces critiques comme une menace directe à son autorité et à la stabilité du leadership de Cellou Dalein Diallo. Exclure des militants était peut-être un moyen efficace de contrôler l’appareil du parti et de préserver une apparence d’unité. En d’autres termes, la démocratie interne a été sacrifiée pour des raisons d’opportunisme politique.
Aujourd’hui, avec l’évolution du paysage politique guinéen, l’UFDG semble reconnaître que ces exclusions ont affaibli le parti plus qu’elles ne l’ont renforcé. Les militants exclus sont devenus des symboles de la résistance interne, tandis que la ligne dure adoptée par le parti à l’époque a donné l’image d’un mouvement peu ouvert à la critique, voire autoritaire. Cette réévaluation tardive est une reconnaissance implicite que les décisions d’exclusion étaient, dans une large mesure, injustes et contre-productives.
Le double standard
Ce qui est le plus problématique dans cette nouvelle position est le message qu’elle envoie aux anciens exclus : << le parti admet qu’il aurait pu mieux gérer les contestations internes, mais ne fait rien pour réparer les torts causés à ceux qui en ont souffert. >> Cette politique d’indulgence sélective crée a coup sûr un sentiment d’injustice et de frustration légitime au sein de la base militante. Ceux qui ont été marginalisés pour avoir défendu la démocratie interne et la pluralité des opinions pourraient légitimement se sentir trahis par ce revirement. Ce revirement leur donne encore des arguments pour attaquer par les voies autorisées les décisions de leurs exclusions. Leur caractère fantaisiste et injuste est plus facile à établir .
L’absence de réhabilitation des anciens exclus, ou au moins d’une reconnaissance formelle des erreurs commises, laisse penser que cette nouvelle indulgence n’est qu’une tactique politique et non un changement sincère dans la culture interne du parti. Cela soulève des questions importantes sur la crédibilité de l’UFDG en tant que parti prônant des valeurs démocratiques.
Comment un parti peut-il aspirer à gouverner démocratiquement un pays s’il n’est pas capable de garantir la justice et l’équité au sein de ses propres rangs ?
Les propos de Dr Fodé Oussou Fofana et la nouvelle position de l’UFDG soulignent un paradoxe inquiétant : ceux qui ont été exclus hier pour des critiques similaires à celles qui sont tolérées aujourd’hui ont subi une injustice qui n’est toujours pas reconnue.
A l’image de l’UFDG, nos partis politiques ont, hélas, choisi de tourner le dos à la démocratie interne, une pratique qui constitue un danger non seulement pour leur propre avenir, mais également pour l’avenir de notre nation. Cette dérive vers l’autoritarisme et l’absence de véritable débat au sein des instances décisionnelles affaiblit notre système démocratique, érode la confiance des citoyens et compromet la participation active de tous. Il est impératif que nous prenions conscience de cette réalité et que nous exigions un retour à des pratiques démocratiques authentiques. Car sans démocratie interne, il n’y a pas de véritable démocratie. Les conséquences de ce choix peuvent être fatales pour notre société, et il est de notre devoir de lutter pour une politique inclusive et participative, garante de la paix sociale et du progrès de notre pays .
Ibrahima Sanoh
Citoyen guinéen