La décision récente des autorités gabonaises de fixer l’élection présidentielle au 12 avril 2025 et d’autoriser, via une réforme du Code électoral, les militaires à se porter candidats, a suscité des débats passionnés. Parmi les noms qui émergent, celui du Général Brice Oligui, chef de la transition gabonaise, revient avec insistance. Serait-il candidat, à l’image du Maréchal Mahamat Idriss Déby au Tchad ? Cette possibilité, loin d’être anodine, interroge sur le rôle des militaires dans les transitions politiques en Afrique. Et si, finalement, leur candidature était une nécessité pour assurer la stabilité et la continuité des États ? Prenons l’exemple de la République de Guinée, où la refondation en cours façonne l’avenir du pays. Pourquoi ne pas envisager une continuité menée par les militaires ?
Brice Oligui incarne aujourd’hui une figure centrale de la transition gabonaise. Depuis le coup d’État d’août 2023, il a su maintenir une relative stabilité dans un pays marqué par des décennies de règne des Bongo, souvent critiqué pour son népotisme et sa mauvaise gouvernance. Sous sa direction, le Gabon a évité le chaos post-coup d’État, et des efforts ont été engagés pour relancer l’économie et apaiser les tensions politiques.
Sa candidature potentielle, si elle se concrétise, pourrait être vue comme une garantie de continuité. En effet, dans un contexte où les transitions démocratiques sont souvent fragiles et minées par des luttes de pouvoir, un leader fort et légitime peut s’avérer nécessaire pour assurer une transition pacifique. Général Brice Oligui, en tant que figure unificatrice, pourrait incarner cette nécessité. Loin d’être une menace pour la démocratie, sa candidature pourrait au contraire offrir une stabilité propice à la mise en place d’institutions solides.
Le Gabon n’est pas un cas isolé. En Afrique, plusieurs pays ont vu des militaires jouer un rôle clé dans les transitions politiques. Au Tchad, le Maréchal Mahamat Idriss Déby, issu de l’armée, a dirigé le pays pendant toute la transition, assurant une stabilité relative dans une région en proie à l’instabilité. Au Mali, au Burkina Faso et en République de Guinée, les juntes militaires au pouvoir justifient leur présence par la nécessité de sauver leurs pays de la mauvaise gouvernance et de l’insécurité.
En République de Guinée, par exemple, la transition en cours, menée par le CNRD (Comité national du rassemblement et du développement), vise à refonder les institutions et à préparer le pays à des élections crédibles. Le General Mamadi Doumbouya, à la tête de cette transition, incarne une figure forte, capable de mener des réformes profondes. Pourquoi, dans ce contexte, ne pas envisager une continuité menée par les militaires ? Leur expérience et leur connaissance des défis sécuritaires et politiques pourraient s’avérer précieuses pour garantir une transition réussie.
La République de Guinée offre un exemple intéressant de transition menée par les militaires. Depuis la prise de responsabilité le 05 septembre 2021, le CNRD a engagé un processus de refondation visant à corriger les dysfonctionnements du passé et à préparer le pays à une nouvelle ère politique. Les réformes entreprises touchent à la gouvernance, à la lutte contre la corruption et à la réforme des institutions.
Dans ce contexte, la candidature des militaires aux prochaines élections pourrait être vue comme une opportunité pour assurer la continuité des réformes engagées. Leur expérience sur le terrain, leur connaissance des enjeux sécuritaires et leur engagement en faveur de la stabilité pourraient en faire des candidats crédibles pour mener à bien cette transition. Plutôt que de les exclure du processus démocratique, ne serait-il pas plus judicieux de les intégrer, tout en veillant à ce que les élections soient libres, transparentes et inclusives ?
La question de la candidature des militaires ne doit pas être abordée sous le seul angle de la peur ou de la méfiance. Dans des contextes où les transitions démocratiques sont fragiles et où les institutions sont souvent faibles, les militaires peuvent jouer un rôle stabilisateur. Leur expérience en matière de gestion de crise et leur connaissance des enjeux sécuritaires en font des acteurs clés pour assurer la continuité de l’État.
Cependant, cette candidature doit s’accompagner de garanties fortes en matière de démocratie et de respect des droits humains. Les élections doivent être crédibles, et les militaires candidats doivent s’engager à respecter les règles du jeu démocratique. Enfin, la société civile et les partis politiques doivent rester vigilants pour éviter toute dérive autoritaire.
Brice Oligui au Gabon, Général Mamadi Doumbouya en Guinée, ou encore Mahamat Idriss Déby au Tchad et d’autres : ces figures militaires incarnent à la fois des espoirs et des craintes. Leur candidature, si elle est encadrée par des règles démocratiques strictes, pourrait offrir une opportunité pour assurer la stabilité et la continuité des États en transition. Plutôt que de les exclure, ne serait-il pas plus judicieux de les intégrer dans le processus démocratique, tout en veillant à ce que les élections soient libres et transparentes ?
L’Afrique a besoin de transitions réussies, et les militaires, s’ils jouent le jeu de la démocratie, pourraient y contribuer. Le Gabon, la République de Guinée et d’autres pays en transition ont l’occasion de montrer la voie.
Le monde regarde.
Alamina BALDE
Observateur et Analyste des gouvernances transitionnelles en cours