Les chefs des Etats membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ou leurs représentants ont commencé leurs travaux à huis clos, a constaté un correspondant de l’AFP.
La situation au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, trois pays dans lesquels les militaires ont pris le pouvoir par la force depuis 2020, s’annonçait une fois de plus comme l’une des dominantes du sommet.
La Cédéao, inquiète d’instabilité et de contagion, fait pression depuis des mois pour un retour aussi rapide que possible des civils à la tête de ces pays, dont deux, le Mali et le Burkina, sont gravement ébranlés par la propagation jihadiste. Le Mali et le Burkina ont été le théâtre de deux putsch en l’espace de moins d’un an.
Les trois pays sont suspendus des organes décisionnels de la Cédéao.
Les militaires se sont engagés sous la pression à céder la place au bout de deux ans et d’une période dite de transition au cours de laquelle ils disent tous vouloir « refonder » leur Etat. Dans le cas du Mali, si l’échéance de mars 2024 est respectée après des mois de bras de fer avec la Cédéao et un sévère embargo commercial et financier aujourd’hui levé, la « transition » aura en fait duré trois ans et demi.
« Retour à l’ordre constitutionnel »
Les dirigeants ouest-africains devraient examiner les actes accomplis par les uns et les autres sur la voie de ce qu’ils appellent un « retour à l’ordre constitutionnel ». Le médiateur de la Cédéao, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, a décerné mardi un satisfecit à la junte malienne en déclarant que le processus censé mener à un retour des civils au pouvoir « se déroule bien ». Outre la suspension des organes de décision de la Cédéao, les membres des juntes malienne et guinéenne sont sous le coup de sanctions individuelles.
En septembre, la Cédéao avait également suspendu toute assistance et transaction financière avec la Guinée, et avait menacé de « sanctions plus sévères » si la junte guinéenne ne fixait pas dans un délai d’un mois « une durée de transition raisonnable et acceptable ». Les autorités guinéennes ont depuis rabaissé leurs prétentions à une transition de 24 mois.
Quant au Burkina Faso, le nouvel homme fort, le capitaine Ibrahim Traoré, a repris à son compte les engagements du lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, qu’il a renversé en septembre et qui avait promis en juillet des élections au plus tard en juillet 2024.
Décisions fortes
À côté des processus de transition, les dirigeants de la Cédéao ont tranché sur le sort des 46 soldats ivoiriens retenus depuis juillet au Mali, source de fortes tensions entre les deux pays. La Cédéao avait décidé lors d’un sommet extraordinaire en septembre de dépêcher au Mali une délégation de haut niveau pour tenter de dénouer la crise. Mais aucun progrès n’a été rapporté après cette mission menée fin septembre.
Ils ont cette fois exigé de la junte au pouvoir au Mali qu’elle libère avant janvier les soldats ivoiriens prisonniers sous peine de sanctions. « Nous demandons aux autorités maliennes au plus tard au 1er janvier 2023 la libération des soldats ivoiriens », a dit à des journalistes Omar Touray, président de la commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). À défaut, la Cédéao prendra des sanctions, a dit un diplomate ouest-africain à un correspondant de l’AFP sous le couvert de l’anonymat.
Les dirigeants d’Afrique de l’Ouest ont aussi décidé de créer une force régionale vouée à intervenir non seulement contre le jihadisme mais aussi en cas de coup d’Etat, comme la région en a connu plusieurs depuis deux ans, a indiqué un haut responsable. « Les dirigeants de la Cédéao ont décidé de recalibrer notre architecture sécuritaire », a dit Omar Touray, président de la commission de la Cédéao. Il s’agit de prendre en main leur « propre sécurité » et non plus de s’en remettre à des acteurs extérieurs, a-t-il expliqué.
Ils sont « résolus à établir une force régionale qui interviendra en cas de besoin, qu’il s’agisse de sécurité, de terrorisme ou de rétablir l’ordre constitutionnel dans des Etats membres », a-t-il déclaré.
Plusieurs pays de la région sont en proie à la propagation jihadiste qui, partie du nord du Mali, a gagné le centre de ce pays, mais aussi le Burkina Faso et le Niger, et s’étend vers le sud et le golfe de Guinée. Les armées nationales sont largement impuissantes et coopèrent avec des acteurs extérieurs, l’ONU, la France ou encore la Russie. L’insécurité est un facteur primordial des coups d’Etat militaires qui ont secoué la région depuis 2020, au Mali, au Burkina et, pour d’autres raisons, en Guinée.
Avec TV5