Les élections communales et communautaires ont eu lieu le 4 février 2018, les premières depuis 2005. Beaucoup voyaient dans ce scrutin de proximité, le seul ouvert aux formations politiques et aux candidatures indépendantes, l’occasion de dépasser les clivages bipartisans et de mobiliser les citoyens.
Après ces élections, bien que par endroit les formations politiques ont dénoncé des irrégularités, le processus s’est soldé par l’installation des conseillers communaux et de leurs Exécutifs 8 mois après les élections.
Cinq années durant, beaucoup d’activités ont été menées dans les collectivités entraînant des résultats positifs par endroit et aussi des désaccords entre les conseillers d’autre part face à certaines prises de position ou dans la gestion des Exécutifs qui sont à la tête de ses collectivités.
Aujourd’hui, avec le changement intervenu le 05 Septembre 2021 par la prise du pouvoir par le CNRD à sa tête le Colonel Mamadi DOUMBOUYA, le pouvoir décide à la faveur de la déclaration du Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation de procéder au remplacement des conseils communaux par des Délégations Spéciales au terme de leurs mandats à une période où le pays ne dispose d’aucun instrument juridique.
La question qu’il faut se poser est de savoir quelle est la nécessité du remplacement de la quasi-totalité des conseils communaux en cette période sachant qu’après l’adoption de la nouvelle constitution les premières élections seront les municipales ?
Pour répondre à cette question, deux hypothèses s’imposent : d’abord le cadre réglementaire en premier lieu, puis son impact sur le développement socio-économique des collectivités.
Dans les conditions normales où règne un ordre constitutionnel tout comme dans un régime exceptionnel comme le cas actuel de la transition en cours, la dissolution d’un conseil communal conformément aux dispositions mentionnées dans le code révisé des collectivités locales relative au contrôle de l’État sur les collectivités locales en son article 80 dispose que
« Le conseil d’une collectivité locale dont le tiers au moins des membres ont été reconnus coupable par le tribunal de première instance d’avoir commis des crises ou délits peut être dissous par décret sur proposition du Ministre en charge des collectivités locales.
La dissolution est prononcée par décret du Président de la République, sur proposition du Ministre en charge des collectivités locales »
Cette disposition dans son interprétation souligne le fait pour un conseil d’avoir commis des malversations au cours de la gestion ou encore avoir commis des infractions ou délits punissable par la loi. Une fois cette situation constatée, le tribunal peut être saisi et être amené à ouvrir des informations judiciaires pour statuer sur la nature des infractions commises.
Exemple : la dissolution des conseils communaux des communes urbaines de Gaoual, Siguiri et ceux rurales de Maneah, kintinia et autres communes pour des faits de malversations constatées par la suite d’une inspection des services compétents.
Dans ce cas de figure, des mesures de remplacement de ces conseils de collectivités doivent intervenir dans un délai de 8 jours à compter du décret de dissolution dudit conseil conformément aux dispositions de l’article 102 du code révisé des collectivités locales.
Outre les dispositions légales du code révisé des collectivités locales relative à la dissolution d’un conseil de collectivité pour des faits incriminants ses membres, l’expiration du mandat de ces derniers peut aboutir à la mise en d’une délégation spéciale pour gérer les affaires courantes pendant une durée légale de (6) mois jusqu’à l’installation d’un nouveau conseil ce, conformément aux dispositions du même code en ses articles 102, 103, 104 et 105.
Quel pourra être l’impact de la mise en place des délégations spéciales dans toutes les collectivités locales du pays en cette période exceptionnelle pour une durée supérieure au délai prévu par la loi ?
En se référant aux dispositions du code révisé des collectivités locales en ses articles 102 et 103 qui déterminent les conditions de mise en place d’une délégation spéciale, il est à mentionner que les membres sont désignés par les représentants de l’Etat se trouvant dans ces collectivités locales. Une situation qui généralement provoque d’énormes frustrations au niveau des citoyens de ses circonscriptions.
Si dans les conditions normales et conformément aux dispositions prévues par la loi, une collectivité locales ayant plus de 200.000 habitants avait 45 conseillers communaux, avec la délégation spéciale cette collectivités se retrouve finalement avec 11 conseillers délégués spéciaux si on peut les appeler ainsi.
Avec cette situation en période exceptionnelle, la nécessité pour le département en charge des collectivités locales de mettre en place ces délégations en lieu et place des conseils communaux va impérativement impacter à 2 niveaux : d’abord le fonctionnement le développement des collectivités, mais aussi elle va engendrer de nouvelles dépenses à l’État.
Depuis l’élection et l’installation des conseils communaux en 2018, il est à reconnaître que beaucoup d’efforts ont été fourni par les exécutifs communaux pour amorcer de développement de leur collectivité à tous les niveaux.
L’État également dans sa dynamique de développement sectoriel a posé des actions sans ambiguïté aucune, allant dans le sens du développement de ses collectivités, avec la mise en place des services publics et l’appui des partenaires techniques et financiers œuvrant dans cette logique. Cela a propulsé le développement de certaines collectivités et a qualifié les ressources humaines.
Procéder à la dissolution de ces conseils pour cause d’expiration de leur mandat va susciter assez de mouvement sur le territoire national et sera la préoccupation de tous les citoyens dans la mesure où les conseillers en place ont par endroit posé des actes qui sont en cours de réalisation, d’autres ont opéré des changements dans leur zone, tout comme cela favorisera pour certaines collectivités une libération de leurs collectivités.
Une conséquence dans le développement des collectivités locales sera le retour à la case départ dans tout avec la nouvelle délégation spéciale.
La mise en place de nouvelles délégations spéciales sur toute l’étendue du territoire national engagera des dépenses supplémentaires à l’Etat dans la mesure où les frais relatifs à la mise en place, l’installation, la formation et le déploiement des missionnaires dans les collectivités pour la mise en place effective de ces délégués.
Si l’on essaie de voir la chaîne de dépense de la mise en place de ces délégations spéciales, on se rend clairement compte, en avoisinant les dépenses, que l’Etat se verra obligé de débourser plus ou moins 2 milliards de francs guinéens. Cependant, d’autres mesures peuvent être prises pour rendre opérationnelles certaines collectivités et aussi, injecter des moyens dans la mise en œuvre des PDL pour impulser le processus de développement de nos communes à travers ces fonds.
Pour terminer, il est bien vrai que le mandat des conseillers communaux est arrivé à terme et que l’élection de nouveaux conseillers communaux devait être organisée, si les conditions règlementaires existaient. Mais nous constatons le vide juridique qui se pose à ce niveau, ce qui pousse les autorités actuelles à aller vers la mise en place des délégations spéciales.
La possibilité pour non seulement pour faire économiser à l’Etat ses ressources, est la reconduction des conseillers communaux qui va permettre aussi à l’autorité de tutelle de continuer les investigations sur la gestion des Exécutifs de ces collectivités et aussi faire la réédition des comptes en ouvrant des informations judiciaires auprès des TPI de ces localités, en attendant l’adoption de la nouvelle Constitution et l’organisation des futures élections.
Souleymane MAGASSOUBA
Analyste Socio-politique
(NB : Cet article n’engage que son auteur)