Ce 22 décembre marque l’an 15 du rappel à DIEU du Général Lansana Conté, la dignité paysanne, le courageux et fier soldat, devenu Président de la République de Guinée le 03 avril 1984 alors qu’aucun pronostic politique ne l’annonçait. 15 ans après sa disparition physique, que retenir des 24 ans de règne du Général Lansana Conté ?
Chez nous, où la religion circule dans les veines, la Croyance enseigne que « DIEU choisit qui il veut pour conduire les destinées du pays ». Et même si la fulgurante ascension du natif de Loumbaya a surpris bon nombre d’observateurs y compris le bénéficiaire lui-même, il faut cependant relever que ce destin Présidentiel du Colonel Lansana Conté ne doit rien au hasard. Militaire de carrière, il n’entrevoyait rien en dehors de l’Armée, où tout semblait lui être tracé en lettres d’or au service de sa Patrie. Désigné unanimement, le 03 avril 1984, par les membres du Comité Militaire de Redressement National (CMRN) au lendemain du renversement du régime du Parti-Etat après le décès, le 26 mars de la même année, du Président Ahmed Sékou Touré à Cleveland aux États-Unis, celui qui était encore Chef d’état major adjoint de l’armée de terre, en l’occurrence le Colonel Lansana Conté, récusa l’offre, mais en vain. Il ne put contrer le plébiscite général en sa faveur, encore moins la volonté de DIEU qui l’avait choisi pour conduire le destin de la Guinée. Ainsi, il accepta la charge avec stoïcisme et résignation. Ce choix du destin de diriger désormais la Guinée, dont l’histoire, depuis le 3 avril 1984, venait de connaître une accélération particulière sans précédent, va conduire à d’importants changements et bouleversements sociopolitiques dans le pays.
En effet, remplacer à pieds levés l’homme du 28 septembre, le Père de l’indépendance, le Camarade Ahmed Sékou Touré, qui venait d’être brutalement arraché à l’affection de son peuple dans des circonstances inattendues et inconnues après un quart de siècle de règne, n’était pas exercice facile. Astreint, le Colonel Lansana Conté, en bon militaire, endossa le lourd costume de second Chef d’État de la Guinée, et en Homme de devoir, il se mit à l’œuvre. Le costume, une fois porté, a semblé être à sa mesure et si lui plaire qu’il le garda si jalousement pendant presque vingt cinq belles années (03 avril 1984 – 22 décembre 2008), date de l’annonce de son décès après de nombreuses années de souffrances.
15 ans après la fin de son règne historique, les Guinéens sont en droit de se poser certaines questions et d’interroger les acteurs et témoins de cette période importante de notre histoire sur le bilan de la Gouvernance du Général Lansana Conté dont certains points pourraient être :
– Quel Président a été le militaire de carrière très attaché à la terre ?
Qu‘est-ce qui reste de l’œuvre du Président paysan à la tête de la Guinée ?
– Quel bilan peut-on dresser de sa Gouvernance et quelle image lègue t-il à la postérité ?
Mais avant de tenter de répondre à ces questionnements sur une page tumultueuse de l’histoire de la Guinée, il paraît utile de rappeler le contexte politique, social et économique qui prévalait en Guinée, ainsi qu’à l’échelle internationale durant le règne d’un quart de siècle du régime du Premier Chef d’État Guinéen, son prédécesseur, le Président Ahmed Sékou Touré.
Il est alors important de souligner qu’à la veille du 3 avril 1984, la Guinée était un pays à option socialo-Marxiste dirigé par le Président Ahmed Sékou Touré, Secrétaire Général du seul et unique Parti Politique, le PDG, dont les Guinéens étaient de facto tous membres et militants. Le Parti-État, sous le leadership du Secrétaire Général assisté d’un Bureau Politique National, régentait toutes les sphères de la vie de la Nation et des populations. Il définissait à ce titre l’orientation politique et économique générale du pays que le gouvernement se chargeait de mettre en œuvre. L’économie était largement dominée par un secteur étatique prédominant. Le PDG, en tant que parti de masse, était représenté sur toute l’étendue du territoire national.
L’environnement international, quant à lui, au plan politique, était caractérisé par l’existence de deux blocs politiques et économiques antagonistes :
– Le bloc libéral et capitaliste avec une économie de marché et un multipartisme intégral, une population relativement plus prospère, avec un revenu par habitant relativement élevé. Ce bloc comprenait les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud, l’Europe occidentale, et toute l’Amérique latine, hormis Cuba. Il incluait également la majorité des pays d’Asie et du Moyen-Orient, à l’exception de la Chine continentale et de quelques autres.
– L’autre bloc dit socialo-communiste, antinomique du premier, avec à sa tête l’URSS et la Chine et comprenant certains pays de l’Europe de l’Est, (ayant été happés à leur corps défendant à la fin de la Seconde Guerre mondiale), des pays africains dont la Guinée, ainsi que quelques pays d’Amérique latine et d’Asie, avait adopté, à l’inverse du premier, un régime étatique, fermé et rigide de type totalitaire dirigé chacun par un seul et unique parti politique. Ces pays pratiquaient ou subissaient une économie d’État dirigiste, autarcique où l’initiative privée sous quelque forme que ce soit était formellement interdite et ne pouvait prospérer. Le revenu par habitant au niveau de cet ensemble de pays demeurait faible, très faible en comparaison à celui du bloc qualifié de libéral. Ce bloc était notoirement policier, coercitif et laissait peu de place à la liberté individuelle et à l’initiative privée.
La Guinée, à la veille du 4 avril 1984, au moment de l’accession du Colonel Conté au pouvoir, baignait dans cette atmosphère et mettait en œuvre un régime apparenté à ce monde socialo-communiste peu favorable aux expressions de libertés telles qu’admises de nos jours. Le régime était moins favorable à un développement politique, économique et social libéral tel qu’on l’imagine de nos jours. Cette situation politique, économique, sociale particulière de la Guinée, dans une région Ouest-Africaine où elle était singulière, constituait à l’évidence une majeur difficulté à la mission de redressement prônée par le nouveau Chef d’état. Cette ambition portée par le CMRN sous l’autorité du Président Lansana Conté devenait un véritable défi dans ce contexte singulier. Elle était davantage ardue que la nouvelle équipe dirigeante du pays était composée de militaires néophytes et moins rompus à la tâche d’état. En somme, une équipe inexpérimentée en matière de gestion des affaires publiques, plus familière aux questions de défense qu’à la gestion d’un pays contrairement au régime précédent dont les dirigeants ont été emprisonnés avant d’être exécutés en même temps que certains dignitaires du nouveau Pouvoir après les événements tragiques du 5 juillet 1985 par les éléments extrémistes du CMRN.
Cette meurtrière violence condamnable et surtout inexcusable à l’aube de la deuxième République reste encore aujourd’hui la page la plus ensanglantée du règne du Président Conté dans l’histoire tumultueuse de ce pays. Comme les différents complots supposés ou réels ou encore l’agression Portugaise du 22 novembre 1970 sous la première République, l’histoire retient que les événements du 5 juillet 1985 demeurent la plus grande tragédie, la plus sombre du règne du Général Lansana Conté, qui teinte encore aujourd’hui son bilan.
Mais, au-delà de ces tueries massives d’une extrême gravité, qu’il faut déplorer et condamner, de nombreuses actions importantes de nature politique, économique et sociale ont été menées avec succès par le CMRN et sont aujourd’hui reconnues comme des contributions positives au crédit du Président paysan.
Parmi ces faits marquants, je relève volontiers que le plus précieux bilan du second Président Guinéen a été la sauvegarde de la Paix sociale et de l’unité nationale dans son pays malgré le contexte difficile avec les adversités politiques exacerbées par des ambitions personnelles et réflexes régionalistes et communautaristes. Avec un tel environnementde Paix et de liberté qu’il a su créer et maintenir, le Président Lansana Conté s’est donné les armes qu’il fallait pour s’attaquer courageusement aux réformes politiques, économiques et sociales nécessaires pour la Guinée libéralepromise par le CMRN et voulue par l’opinion nationale à l’époque.
Au plan politique, il faut souligner que c’est durant les premières années de son règne qu’a été abolit le régime socialiste – Marxiste à parti unique en Guinée. Il fut remplacé par un régime politique libéral, accompagné et soutenu plus tard par l’instauration du multipartisme intégral. Ce changement était audacieux, car le pays n’avait connu, par le passé et surtout pendant les premières années de l’indépendance, qu’un régime politique à parti unique de tendance fortement révolutionnaire.
Ces changements de diverses natures opérés en Guinée à cette époque préfiguraient déjà des bouleversements majeurs qui allaient, quelques années plus tard, entraîner le démantèlement intégral de l’URSS et la libération des pays satellites embrigadés dans le bloc communiste par la défunte URSS. Cette évolution historique majeure imprimée par le Général Lansana Conté à la situation politique de notre pays fut d’une très grande portée pour l’avenir de la Guinée moderne.
Au plan économique, ce changement s’est traduit par l’instauration d’une économie libérale sur les cendres de l’économie étatique qui avait cours en Guinée, pratiquement depuis l’accession à l’indépendance nationale. Certes, pour de bonnes raisons historiques, dans une société sous-régionalequasiment libérale. Le nouveau régime conférait un rôle majeur à l’initiative privée, faiblement associée, sinon quasiment exclue jusqu’à cette date, du jeu économique. Cette volonté est portée solennellement dans le discours d’orientation politique prononcé par le Président Lansana Conté, le 22 décembre 1985. Ce discours marque une rupture dans l’évolution globale de la société Guinéenne, et aussi la liquidation des structures de l’économie socialiste d’État, qui prévalait et qui exerçait un quasi-monopole, du moins une forte prépondérance dans l’économie nationale.
Le lancement du Franc Guinéen pour remplacer le Syli qui avait cours légal, la privatisation du secteur bancaire et son ouverture aux Banques étrangères, conséquences immédiates de cette nouvelle orientation politique du pays, ont été des acquis majeurs pour la Guinée. Ces mesures et bien d’autres ont permis d’accélérer la relance de l’économie libérale naissante, faciliter l’ouverture du marché des capitaux en Guinée pour stimuler le financement de l’économie grâce à la restauration de la confiance des milieux d’affaires et, subséquemment, l’accroissement des liquidités monétaires pour le financement du développement et d’investissements productifs par les bailleurs étrangers et internationaux. Les Guinéens de ma génération se souviennent de cette révolution économique inattendue, accueillie favorablement par une grande majorité de la population.
Puisse son auteur en être récompensé dans les ténèbres de l’au-delà par le paradis éternel de DIEU. Amen
Au plan social, on ne peut oublier que c’est sous son règne que fut coupé le cordon ombilical de dépendance physique (ravitaillement et autres) qui liait inextricablement les militants au PDG, devenus citoyens, grâce à l’abolition du système de ravitaillement en denrées alimentaires dès la prise du pouvoir par le CMRN. La liberté d’association, la liberté d’expression de la presse, devenue aujourd’hui évidente, constituent des grandes conquêtes réalisée sous l’ère Conté.
En définitive, l’œuvre du Président paysan est importante, multiséculaire. Il est donc difficile d’en dresser un bilan exhaustif, encore moins de lui rendre objectivement justice dans sa dimension historique. Le Président paysan s’en est allé en bon militaire, après avoir, comme on le dit dans le langage propre à l’armée, remporté la bataille de la démocratie, de la libération économique et de l’instauration du multipartisme soutenu par celle de la presse.
La Guinée moderne porte de manière indélébile les empreintes du Président paysan qui a façonné et modelé le devenir de la République de Guinée et renforcé son ancrage dans le concert des Nations. Le Président Lansana Conté, comme son illustre prédécesseur, reste, qu’on le veuille ou non, qu’on l’aime ou pas, une grande figure de l’histoire de notre pays, qui ne saurait être gommée par les falsificateurs peu scrupuleux du respect des faits historiques.
J’affirme et signe, l’ayant côtoyé et vu à l’œuvre, de sa contribution inestimable à la construction de la Guinée moderne.
Certes, le Président Lansana Conté, de loin, n’est pas le Père de l’indépendance, mais il n’en est pas moins ardent défenseur de la souveraineté Guinéenne et, incontestablement, celui de la construction d’une société libérale démocratique et multipartiste en Guinée. Il demeure à ce titre un très grand bâtisseur de la Guinée moderne, que les historiens devraient noter pour les futures générations.
Puisse DIEU, en ce douloureux Jour marquant l’an 15 de son décès le 22 décembre 2008, agréer les Prières qui seront faites pour le repos de l’âme de l’Homme d’État par accident que fut le Général Lansana Conté dans l’histoire tourmentée de notre chère Patrie. Amen!
Vive la Guinée pour que la vérité historique triomphe.
L’Ambassadeur Djigui Camara, ancien Ministre de la Coopération internationale