Âgé de 23 ans, Ousmane Touré travaillait depuis 3 ans comme plongeur en CDI dans un restaurant de La Rochelle. Après avoir reçu une OQTF en octobre dernier, il a été expulsé la veille de Noël. Une décision qui choque son patron et les associations qui cherchent à le faire revenir en France.
C’est aux alentours de 9h vendredi 22 décembre qu’Ousmane Touré s’est rendu au commissariat pour « pointer », comme chaque semaine. Une obligation depuis qu’il a reçu le refus de sa demande de régularisation exceptionnelle par le travail accompagné d’une OQTF et d’une assignation à résidence le 20 octobre.
Mais lors de son passage, une simple formalité ces dernières semaines, Ousmane Touré s’est vu notifier son expulsion du territoire français. Ainsi, sans pouvoir prévenir ses proches ou même aller récupérer des affaires, il est envoyé en centre de rétention où il passe la nuit. Après une entrevue avec son avocat, qui tente, en vain, d’annuler son expulsion, il est emmené à Bordeaux, puis à Paris. À 15h le samedi 23 décembre, M. Touré embarque dans un avion direction Conakry, en Guinée.
À la Rochelle, où le jeune homme était employé comme plongeur depuis trois ans, c’est la stupéfaction. Carlos Foito, le chef du restaurant Le Ginger s’émeut dans une publication sur Facebook et évoque avoir perdu « un pilier » de son équipe « rigoureux, irréprochable et adoré partout où il passait ». « Pourquoi Ousmane ? », s’interroge aussi Didier Meyerfeld, membre de Solidarité Migrants La Rochelle qui est venu en aide au jeune guinéen pour les procédures en préfecture. « Il avait un travail, un contrat, des fiches de paie, une situation stable », explique-t-il à InfoMigrants, évoquant un homme « calme, bien intégré et toujours souriant ».
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« Nous avions formé un recours contre cette OQTF »
Lors de son arrivée en France après un périple de trois ans à travers le Mali, l’Algérie et le Maroc, le jeune homme a 18 ans et dépose une demande d’asile pour laquelle il est débouté en février 2021. Il reçoit à ce moment sa première OQTF. Alors en pleine période troublée par le Covid-19, il trouve tout de même un emploi comme plongeur dans un restaurant de la ville côtière. Le jeune homme envisageait même une formation de cuisinier.
Avec ce travail, il amasse les fiches de paie et monte son dossier. Mais le 20 octobre 2023, la sanction tombe : il reçoit une seconde OQTF, celle qui mènera à son expulsion. « Nous avions formé un recours contre cette OQTF en expliquant qu’Ousmane n’était un danger pour personne et était très bien intégré. Mais il n’a jamais été étudié, puisqu’Ousmane a été expulsé avant », tance Didier Meyerfeld. Et d’ajouter : « au tribunal de Poitiers, on peut attendre 8 à 12 mois avant qu’une audience ait lieu ».
Aujourd’hui, Ousmane Touré est de retour à Conakry, ville qu’il a quittée en 2014 à l’âge de 15 ans, après la mort de ses deux parents d’une maladie. « Ebola, nous racontait-il », se remémore M. Meyerfeld. Il vit chez sa tante qui s’est aussi occupée de ses deux frères quand il a pris la route.
Retour en France ?
Malgré la situation, son retour à la Rochelle s’organise. Ses proches font tout pour. Depuis qu’il a reçu le coup de fil de son plongeur l’informant de son expulsion, son employeur remue ciel et terre pour le faire revenir, contactant élus et autorités pour jouer sur la décision. Il assure avoir reçu le soutien de certains élus comme le maire de la ville.
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Même les autorités guinéennes se mêlent à l’affaire et des contacts ont eu lieu, selon nos informations, mercredi 27 décembre. Le ministère des Affaires étrangères guinéen, en rapport avec l’ambassade de France en Guinée, « organisent les conditions du retour d’Ousmane », assure son avocat, François Drageon.
Pourquoi une telle mobilisation diplomatique autour du cas de M. Touré ? « Il n’y a pas toujours une erreur d’appréciation d’une telle intensité », avance Me Drageon, évoquant la décision de la préfecture d’expulser Ousmane malgré sa stabilité et son parcours d’intégration. « On est sur la ligne de crête de tous les problèmes concernant l’immigration », ajoute-t-il.
« L’application stricte du droit du séjour »
De son côté, la préfecture de Charente-Maritime rappelle que « l’éloignement » du Guinéen « est la conséquence de l’application stricte du droit du séjour » et que « M. Touré a obtenu son CDI alors même que le droit lui avait été refusé. »
Elle concède toutefois que si M. Touré et son employeur « sollicitent la préfecture en ce sens, une procédure d’immigration légale pourra être envisagée » et qu’une « levée de l’interdiction de retour en France pourrait être étudiée ». Finalement, une « demande de visa auprès du consulat de France en Guinée pourrait être appuyée par la préfecture », conclut-elle avant de rappeler que « quoique contraignantes, les voies d’immigration légales doivent être privilégiées et constituent la voie normale d’accès au territoire et au marché du travail ». Un rendez-vous doit d’ailleurs avoir lieu ce jeudi 28 décembre entre les proches d’Ousmane Touré et les autorités.
Cette décision intervient alors que la très controversée loi immigration a été votée par le Parlement français au grand dam d’une opposition qui n’a pas attendu pour communiquer sur le cas d’Ousmane Touré. « Très inquiets face aux expulsions qui sévissent dans la région Poitou-Charentes », la section départementale du parti EELV demande « aux préfets de la région de ne pas chercher à faire des expulsions à tout prix pour plaire à un électorat d’extrême droite mais de faire preuve de discernement ». De son côté, la France insoumise (LFI) a fait part de son « horreur » et son « incompréhension ».
Avec infomigrants