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Mal-logement : une mère de famille réfugiée perd son bébé de trois mois, intoxiqué

Mal-logement : une mère de famille réfugiée perd son bébé de trois mois, intoxiqué

Fanta, âgée de trois mois, est morte d’une intoxication au monoxyde de carbone dans la nuit du 3 au 4 novembre 2023. Pour affronter le froid, sa mère, Fatima, avait allumé un brasero dans son appartement privé d’électricité. Cette réfugiée statutaire, originaire de Côte d’Ivoire, attendait depuis un an et demi son titre de séjour, précieux sésame pour chercher un travail et subvenir aux besoins de sa famille.

Fatima, une Ivoirienne de 26 ans, a perdu son bébé de trois mois, décédé début novembre des suites d’une intoxication au monoxyde de carbone. La mère de famille, célibataire, sans ressources et sans électricité, avait allumé un brasero pour protéger ses trois enfants du froid dans son logement social.

Reconnue au titre de réfugiée par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) en février 2022, la mère de famille attendait depuis des mois son titre de séjour, indispensable pour obtenir un emploi, et ainsi payer, entre autres, les factures d’électricité.

Lenteurs administratives et dématérialisation des rendez-vous

Mais Fatima a été confrontée aux lenteurs administratives françaises, et plus particulièrement à la dématérialisation des rendez-vous en préfecture. Retour sur une succession d’obstacles administratifs ayant mené à la mort de sa petite fille.

Après l’obtention de sa protection internationale, Fatima a déposé en ligne quelques mois plus tard – via le site du ministère de l’Intérieur, l’Anef – une demande de carte de résident de 10 ans, comme le prévoit son statut de réfugié. En attendant un rendez-vous avec les services de l’État, Fatima reçoit une attestation de dépôt (API) valable six mois. Ce document justifie son séjour régulier en France et lui ouvre droit aux prestations sociales.

Dès septembre 2022, la mère de famille est hébergée dans un logement social de la région de Lille via une association mandatée par l’État. Mais en janvier 2023, son API arrive à expiration et le mois suivant, les allocations (RSA et APL) sont coupées. Les organismes de l’État lui réclame, pour prolonger ses droits, une carte de séjour, qu’elle n’a toujours pas reçu. Impossible donc, de travailler et de gagner sa vie.

Pourtant, selon la loi « la carte de résident doit être délivrée dans les trois mois qui suivent la demande par la personne reconnue réfugiée », rappelle son avocate Me Caroline Fortunato, contactée par InfoMigrants.

Des allocations coupées, faute de titre de séjour

Au fil des mois, Fatima contracte jusqu’à 6 000 euros de dettes locatives, ce qui pousse le bailleur à la menacer d’expulsion. Pour nourrir ses enfants, elle mendie devant la mosquée de la ville. Fin juillet 2023, l’Ivoirienne accouche de son 3e enfant, une petite fille prénommée Fanta. Lorsqu’elle revient dans son appartement après son séjour à la maternité, la jeune femme découvre que l’eau et l’électricité ont été coupées.

Fatima tente de faire accélérer son dossier de régularisation et se rend à la préfecture, sans rendez-vous, mais le personnel ne la laisse pas entrer. Pareil pour son travailleur social. Depuis plusieurs années, les étrangers ne doivent plus venir de manière spontanée à la préfecture. C’est ce qu’on appelle la dématérialisation des procédures. Ils doivent prendre des rendez-vous en ligne.

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Les associations ont dénoncé à de nombreuses reprises ces nouvelles méthodes qui rendent très difficiles les renouvellements des titres de séjour, faute de rendez-vous disponibles. S’en suit parfois la perte d’emploi et des aides sociales.

« Ce qui est arrivé n’est pas un fait divers »

Fatima se retrouve dans cette situation dramatique. Mi-octobre, petit espoir : après un mail de son avocate à la préfecture, l’Ivoirienne reçoit de nouveau les aides sociales avec rétroactivité. Elle éponge immédiatement ses dettes. Mais l’eau et l’électricité ne sont rétablies qu’à un débit réduit.

Dans la nuit du 3 au 4 novembre, les températures chutent, et Fatima grelote. Elle craint que ses enfants ne meurent de froid. Elle allume du charbon dans le brasero dans la pièce qu’elle partage avec son nourrisson – ses deux ainés dormant ensemble dans leur propre chambre. « Elle se réveille vers 5h du matin et a du mal à se lever. Elle remarque que son bébé est inconscient », explique Me Caroline Fortunato. Fanta est morte d’une intoxication au monoxyde de carbone.

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Depuis le drame, Fatima a finalement obtenu sa carte de résident et a été relogée avec ses deux aînés dans un autre appartement. Il aura fallu attendre le 22 janvier dernier – et ce drame – pour que cette Ivoirienne reçoive le précieux sésame, un an et demi après sa première demande, de la main des services de la préfecture.

« Ce qui est arrivé n’est pas un fait divers », insiste Me Caroline Fortunato. « La dématérialisation prive les gens de leurs droits et les pousse dans l’extrême précarité. Ca va continuer d’arriver, c’est malheureusement la conséquence logique de cette politique », estime-t-elle.

Fatima, dévastée, peut néanmoins compter sur son comité de soutien qui organise le 3 février une marche blanche à Lille, pour honorer la mémoire de la petite Fanta, « victime de la non-impression d’un bout de papier », déplorent les associations du collectif.

Avec infomigrants

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