Le Sénégal est une source d’inspiration démocratique pour toute l’Afrique. Un exemple de démocratie que le monde entier doit retenir et célébrer. Le Sénégal mérite plus qu’une tribune. Il a droit à un hymne. On doit le célébrer comme un modèle, un archétype, un symbole universel de la démocratie.
Le Sénégal vient d’ouvrir non pas une fenêtre, mais une porte rarement, pour ne pas dire jamais franchie, par un système politique. Et pour cause ?
Voyons ! D’est en ouest, du sud au nord de la planète, de toutes les démocraties qui, comme le Sénégal a acquis une maturité démocratique non pas exemplaire, mais exceptionnelle en un aussi peu de cheminement historique et politique ?
Une campagne en une quinzaine de jours à peine. Un candidat sorti de la manchette d’un autre prohibé par la justice.
Un recalé, passez-moi l’expression, qui épaule son dauphin, son camarade, son colistier pour le porter à la place qui lui était destiné de facto.
Un peuple méritant, des dirigeants avisés, un pays qui fait nation
Voilà un peuple serein qui, malgré les passages à vide, les temps d’incertitude, s’en remet d’aplomb et montre au monde entier qu’il y a quelque part en Afrique, un pays qui fait nation.
Oui, le Sénégal est une nation. Oui, il a un peuple en avance, bien en avance sur d’autres. Il n’est pas comme ailleurs, une entité composite, une addition d’ethnies, de groupes linguistiques, de sordides rassemblements politiques, parfois politico-religieux qui se donnent des coups de patte comme des insectes. Ce pays-là est un. Véritablement uni et indivisible.
Ce pays a une cours constitutionnelle qui fait un pied de nez au système en place. Une Commission électorale nationale autonome (CENA) réellement autonome. Là, il ne s’agit pas comme ailleurs en Afrique de commission électorale nationale indépendante (CENI) dépendante dans les faits du régime en vigueur.
Des citoyens qui votent pour un projet, une rupture et non selon le patronyme (nom de famille) du candidat. Celui qui ne se réveille pas grâce à ce qui s’est produit au Sénégal ce 24 mars 2024 risque de rester durablement dans un sommeil profond.
La France, ancienne puissance coloniale, modèle séculaire de démocratie, conçoit-on pour l’Afrique et certains pays du monde, ferait pâle figure face à cette démocratie d’à peine sexagénaire (de 60 ans).
Le Sénégal présente au monde trois anciens présidents presque tous droits sur leurs pieds. En tout cas, écoutés et encore choyés du fait de leur passage au sommet de l’Etat et de la manière dont ils ont cédé le fauteuil. À la républicaine. Oh, non ! À la sénégalaise !
Qui, plus qu’Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et désormais Macky Sall en Afrique et ailleurs ont cédé, avec une main franche et légère, un héritage politique aussi pacifique et démocratique à leur peuple ?
N’avons-nous pas vu la prise d’assaut des symboles de la démocratie dans un pays qui se targue d’être une puissance planétaire ? Si la Prise de la Bastille instaure la révolution démocratique ailleurs, celle du Capitole relève d’une guerre de succession qui ne soit pas à la sénégalaise.
Au Sénégal, deux semaines à peine de campagne. Une élection sans incident. Des résultats bien peaufinés le même jour. Une victoire reconnue et acceptée par l’adversaire et le Président de la République avant la proclamation officielle. Des félicitations par l’un et l’autre.
Nous disons haut et fort que les Sénégalais devraient s’enorgueillir de leur système politique. Ils doivent porter la couronne, non pas en diadème, mais en diamant, de leur élection démocratique du 24 mars 2024. Aucune polémique n’a lieu d’être dans cette victoire et le processus qui l’a favorisé.
Ils sont un peuple méritant. Parmi les plus méritants. Nous Africains, nous devrions en être fiers et suivre leurs pas. Car, le pays de la Téranga, de terre d’hospitalité (en wolof) est désormais Terra de democracia (Terre de démocratie). Une nouvelle donne à assumer.
Le défi est de taille et doit être relevé
Ce défi peut se décliner en peu de points essentiels. En tout premier lieu :
Le défi face à la nation et au peuple
Il appartient au nouveau président élu, oh ! Je souhaiterais tant assister à sa prise de fonction, pas à son intronisation, car le Sénégal fabrique des démocrates et non des rois, potentiels potentats.
Dans ce pays, il y a passation : un président qui s’en va dans la dignité et un autre qui entre glorieusement au Palais de la République pour sauvegarder l’héritage.
Le nouveau président a le devoir de se montrer à la hauteur. Le challenge est de taille, mais l’enfant qui trouve le champ de son père défricher saurait, en bon hériter, labourer et semer.
Point de doute que l’acquis démocratique continuera à fleurir dans ce pays, phare de la démocratie africaine. Désormais mondiale.
Il appartient aux deux anciens colistiers dont l’un est désormais président de ne pas céder aux sirènes de la division, car nul n’est jamais aussi menacé que lorsqu’on le sent en symbiose avec quelqu’un d’autre. Autrement dit, que les adversaires n’ont pas de crainte de division ou d’opposition parce qu’ils le sont déjà.
Mais les amis, surtout en politique, s’exposent aux manœuvres de toutes sortes ; aux pièges érigés par des adversaires anonymes ou avérés.
Messieurs Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, le Sénégal est tout simplement entre vos mains.
S’il n’y a point deux présidents en exercice pour un même pays, il y a de la place pour tout citoyen à la dimension de monsieur Sonko.
N’en déplaise à certains, serais-je tenté de dire.
Le défi face à la jeunesse
Le nouveau président à l’impérieux devoir d’inspirer la jeunesse sénégalaise et africaine.
Cette jeunesse en vagabondage tant sur le continent que sur les chemins de l’exil. Cette jeunesse qu’on tue ailleurs pour de légitimes manifestations pour la démocratie. Cette jeunesse qui croupit dans le chômage, se noie dans la Méditerranée et qui peine, comme naguère dans les cales des navires esclavagistes, sur les routes du Nicaragua. Cette jeunesse qui deviendra dans le pays de l’Oncle Sam, les nouveaux forçats de la mondialisation et de la misère des Sud : un terme inventé à dessein pour nous contenter de notre place de continent-relais. Non ! En marge de ce que j’appelle une Globalisation-poudre aux yeux.
Il est également de votre devoir moral et politique de montrer qu’en Afrique, les présidents inamovibles, quelque soit l’habit qu’ils portent, ces sortes de zombis ambulants, ces pères de la nation alors qu’ils sont des arrières grands-pères de ceux qu’ils dirigent, doivent céder la place aux jeunes générations.
Il en est de même des chefs de partis politiques qui, comme les potentats qu’ils prétendent combattre, s’agrippent à la tête de leurs mouvements et ferment toutes les portes d’une succession légale, légitime et démocratique.
Certes, j’en demande trop. Cependant, la porte que le Sénégal a grandement et fièrement ouverte ne doit plus être unique et ponctuelle. Elle devra être pérenne et multiple pour donner accès à la démocratie dans tout le continent africain.
Il ne nous reste plus qu’à souhaiter bon vent au président sortant Macky Sall et lui rendre modestement hommage en dépit des atermoiements qu’on lui reproche à tort ou à raison.
Nos souhaits, naturellement de réussite, au président nouvellement élu avec l’espoir que le soleil qui vient de se lever au Sénégal éclairera toute l’Afrique. Qu’il inspire la jeunesse politique. Qu’il servira de leçon aux pays voisins et lointains du pays de Blaise Diagne, de Cheikh Anta Diop, etc. Surtout, de Léopold Sédar Senghor, ce passeur de main et dont la vision non plus poétique, mais politique a fait du Sénégal le berceau de la démocratie africaine et une nouvelle inspiration mondiale.
Je ne doute point que ce berceau deviendra séculaire et confirmera, au-delà de l’universalité typiquement culturelle, notre universalité politique.
Par Lamarana Petty Diallo, lamaranapetty@yahoo.fr