GRAND ANGLE SOCIETE

Tribune : En Afrique, l’on ne rejette pas un parent sous prétexte qu’il serait mauvais. (Par Alamina Baldé)

Tribune : En Afrique, l’on ne rejette pas un parent sous prétexte qu’il serait mauvais. (Par Alamina Baldé)

Dans de nombreuses sociétés africaines, la famille élargie représente un socle fondamental : elle est, à bien des égards, le berceau de notre socialisation et le point d’ancrage de la solidarité. Depuis des générations, nos ancêtres nous ont légué la conception d’une parenté élargie, où frères, sœurs, oncles, tantes, cousins et grands-parents jouent chacun un rôle essentiel dans l’éducation et la transmission de nos coutumes. Aussi, quand un proche s’écarte de ses responsabilités ou commet une faute, il n’en demeure pas moins l’un des piliers de notre filiation et ne saurait être mis à l’écart.

Dès l’enfance, nous apprenons à respecter nos parents et à entretenir des liens étroits avec nos frères et sœurs. Dans la droite ligne du dicton africain « l’arbre ne renie pas ses racines », nous comprenons que couper le lien avec celui ou celle qui nous a élevés — ou avec tout membre de la famille qui a participé à notre formation — équivaut à renier une partie de nous-mêmes.

Traditionnellement, les familles africaines se distinguent par leur aptitude à surmonter les épreuves de manière collective. Lorsque l’un des nôtres traverse une période de crise — qu’il s’agisse d’une maladie, d’un faux pas ou d’une conduite blessante — l’esprit d’entraide prend le dessus : on soutient la personne en difficulté plutôt que de la rejeter. Parents, frères, sœurs, oncles, tantes, tous se mobilisent, conscients qu’abandonner quelqu’un revient à compromettre l’équilibre de l’ensemble du groupe.

Certaines voix peuvent suggérer qu’il vaut mieux s’éloigner d’un proche considéré comme « mauvais ». Pourtant, cette mise à l’écart heurte profondément nos valeurs de cohésion familiale. Dans la perspective de nos aïeux, on ne « jette » personne : on dialogue, on s’entraide et on cherche à rétablir l’harmonie. Le rituel du « palabre sous l’arbre », encore vivant dans bien des régions, incarne parfaitement cette démarche : il réunit les intéressés pour mettre au clair les différends et rétablir la paix grâce à la médiation et à la bienveillance.

Pour autant, il ne s’agit pas de minimiser la détresse ni les injustices que l’on peut subir au sein de la famille. L’essentiel est de reconnaître les torts, d’en exiger réparation au besoin, tout en préservant l’unité du clan. C’est là toute la force de nos traditions : assumer les erreurs sans rompre le lien qui nous unit et qui fait la solidité de notre identité collective.

Préserver nos valeurs, c’est d’abord faire vivre l’esprit de transmission. Rompre délibérément avec un proche sous prétexte qu’il aurait échoué revient à nier une part de notre héritage et à priver nos descendants d’une partie de leur histoire. Puisse ce rappel nous inciter à redoubler de solidarité : qu’il s’agisse d’un parent, d’un frère, d’une sœur, d’un oncle ou d’une tante, chacun demeure un maillon indispensable à la grande chaîne familiale. Ensemble, nos communautés africaines ont parcouru les siècles ; c’est en conservant cette unité qu’elles continueront de se projeter dans l’avenir.

Alamina BALDE

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